L’unique revendication qui peut unir le peuple palestinien, par Karma Nabulsi

 

 » Seul des élections directes peuvent régénérer le mouvement de libération palestinien en transférant le pouvoir de la minorité à la majorité « 

Après une nouvelle semaine annonciatrice de dramatiques changements révolutionnaires, en Palestine occupée, les choses ne changent pas. Bombardements répétitifs, attaques aériennes sur les civils, tout cela en l’absence de protestation internationale, des gestes hésitants envers un processus de paix en faillite. Tous ces éléments prêtent un air futile et désespéré au chemin de la liberté des Palestiniens. Les Palestiniens ont urgemment besoin que leur voix soit entendue en ce moment historique, où des règles non représentatives ont été renversées par des mouvements populaires, et où les citoyens reconquièrent leurs places publiques et institutions politiques sur le vieux principe de la souveraineté populaire.

 

Depuis janvier, les Palestiniens installés dans les camps de réfugiés et sous occupation militaire se sont tous posé la même question : notre moment n’est il pas aussi venu?  Comment allons-nous vaincre ce système externe de contrôle colonial et de cooptation, la répression, les divisions intestines et la fragmentation géographique qui nous ont gardés jusqu’à aujourd’hui divisés et incapables de nous unir  ? La situation paraît mille fois plus complexe qu’au Bahreïn, en Égypte, en Libye ou en Syrie.

La solution à ce terrible dilemme réside dans une quête unissant tous les Palestiniens : celle d’une unité nationale. Tandis que les principaux partis pourraient demeurer en conflit, le peuple palestinien ne l’est pas. Ses divisions ne sont pas politiques mais géographiques : la majorité des réfugiés vit hors de Palestine, pendant que ceux vivant à l’intérieur sont répartis de force en trois lieux différents. La demande est la même revendication universelle de représentation démocratique qui traverse les pays arabes avec une telle force et beauté : que chaque voix palestinienne compte.

 

La campagne vise une élection directe du Conseil National Palestinien, le parlement national en exil. C’est le corps institutionnel qui donne sa légitimité et un mandat à l’Organisation de Libération Palestinienne, qui est reconnue internationalement comme le seul représentant légitime du peuple palestinien.

 

L’OLP a signé les accords d’Oslo qui a créé une autorité palestinienne intérimaire (supposée temporaire) en 1994 et le Conseil Législatif Palestinien en 1996. L’autorité devait instituer un État palestinien indépendant sous 5 ans. 16 ans plus tard, il n’a rendu aucune des libertés fondamentales urgemment requises par les Palestiniens, reflétant plutôt une division institutionnalisée entre la Cisjordanie et la bande de Gaza – et, fait décisif, entre les Palestiniens dans les territoires occupés et la majorité des réfugiés à l’extérieur, qui ont été mis à l’écart de cette création.

 

Le CNP , comme le parlement de l’OLP lui-même, était le cœur du mouvement national palestinien. Mêlant partis de résistance, syndicats et indépendants, il peut revendiquer la légitimité d’un mouvement délibération national. Mais il n’a pas eu d’élection ces dernières décennies : la plupart des sièges sont contingents , réservés pour les groupes ; certains membres sont morts de vieillesse ; il n’y a plus de liste définitive désignant les membres actuels. Ceux de la Cisjordanie et le conseil législatif de Gaza sont les seuls membres directement élus du CNP.

Personne ne comprend comment pourrait fonctionner aujourd’hui la législation : tous conviennent qu’elle ne fonctionne pas.

 

Ce mausolée évidé et en ruine a un jour abrité un combat vibrant et efficace des palestiniens pour leur liberté, plein de dynamisme et de débats. A présent seule la force de mobilisation des élections directes peut en faire l’institution représentative que réclament les Palestiniens.

 

L’appel à l’élection du CNP unit tous les Palestiniens au-delà des facteurs idéologique et politique. C’est aussi le seul principe révolutionnaire qui peut renverser l’emprisonnement politique des Palestiniens car il garantit que chaque voix contribuera à déterminer les plateformes nationales, la politique et la stratégie. Le fait de tout organiser autour de cette revendication enlève les décisions des mains d’une minorité et les met entre les mains du peuple – les islamistes et les séculiers, les partisans d’un État unique ou de deux États, les conservateurs et les radicaux. Et une chose est certaine : il faut que tous les secteurs palestiniens travaillent ensemble en ce moment : personne ne peut prendre la tête excepté le peuple lui-même.


Il est aussi maintenant très clair que rien d’autre ne marchera : la représentation démocratique ne pourra pas être réalisée à travers des nouvelles
élections législatives se tenant uniquement en Cisjordanie et à Gaza, ce qui exclurait la voix de la majorité des Palestiniens. Elle ne pourra pas être érigée par une passation de pouvoir à un front de salut provisoire constitué d’individus. Cela ne peut même pas être réalisé à travers la nécessaire réconciliation entre le Fatah et le Hamas, avec l’intention de réactiver l’OLP sur la base du partage des sièges du PNC entre les deux partis.

En effet, beaucoup de mesures comparables ont été prises pour tenir le pouvoir hors de portée des Palestiniens, et elles continuent à marginaliser des millions de jeunes Palestiniens (la plupart d’entre eux n’appartenant à aucun des deux partis) qui n’ont jamais voté de leur vie mais dont le quotidien est rempli de combats et qui périssent dans les funestes prisons des régimes arabes et l’horreur des camps de réfugiés. Leurs voix sont égales en valeur et méritent la même dignité que les autres voix palestiniennes.

Le défi auquel font face les Palestiniens est soit de tenir cette exigence face à la pression concertée qui sera exercée par ceux qui veulent garder
l’ancien régime, soit de prendre eux-même en charge le nouveau. Le combat palestinien qui dure depuis des décennies, un combat pour la liberté et la
représentation retire une nouvelle vie, et de nouveaux espoirs, des révolutions arabes.

 

Source :

https://www.guardian.co.uk/commentisfree/2011/mar/29/single-demand-unite-palestinian-people

 

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