La sélection pour les Oscars du film « Five broken cameras » réjouit les Palestiniens

Le lundi 28 janvier, le documentaire nominé pour les Oscars « 5 broken cameras » [5 caméras brisées] a été vu ici pour la première fois par des Palestiniens, et les a laissés avec l’espoir que leur lutte contre Israël pour une terre et un Etat va y gagner une audience internationale. Le film à petit budget s’appuie sur cinq années du travail d’un caméraman amateur, le journaliste Emad Burnat, qui a filmé les manifestations organisées chaque semaine en protestation contre les confiscations de terres par les Forces israéliennes et les colons, dans le village de Bil’in situé en Cisjordanie occupée.

L’affiche du film projeté à Ramallah le 28 janvier 2013 (Reuters/Mohamad Torokman)

Des voisins sont tués durant les manifestations et des engins de démolition défigurent les terres alentour, tandis que l’homme derrière sa caméra capture les images de son enfant perdant trop vite son innocence, marqué par ses premiers mots : « mur » et « armée ».

« C’est un film dédié à ceux qui sont tombés en martyrs. Cela me dépasse et dépasse aussi Bil’in. Plus d’un milliard de personnes suit la cérémonie des Oscars et connaîtra désormais notre lutte, » déclare Burnat après la projection. Son travail sera en compétition pour l’obtention d’un Oscar le mois prochain, contre quatre autres films parmi lesquels un documentaire « The gatekeepers », qui se penche sur le conflit moyen-oriental qui dure depuis des dizaines d’années, à travers les yeux de six anciens grands chefs des Services secrets israéliens.

Bien que la perspective soit très différente, les deux films partagent un message similaire assez surprenant – l’occupation israélienne de la Cisjordanie est une erreur morale et doit cesser.

Le film de Burnat a reçu une « standing ovation » lors de la première organisée à Ramallah, la capitale administrative palestinienne, avec un public excité de voir sur grand écran son conflit interminable. « Le film montre tout ce que signifie l’occupation. Ce qui efface le bonheur du visage d’un enfant à un âge trop jeune. C’est quelque chose que nous avons tous expérimenté, » dit Ahmed Mustafa, chauffeur de taxi, qui est venu voir le film avec sa femme et son enfant. « Tout n’est pas négatif. On voit qu’il y a des avancées, des victoires, et que notre cause est toujours bien vivante et active, » ajoute-t-il.

En 2007, la Haute Cour israélienne a finalement reconnu que le Mur de séparation construit sur les terres de Bil’in était illégal, et a ordonné qu’il soit reconstruit sur un autre tracé, une décision applaudie par les activistes. Mais il a encore fallu attendre 2011 pour en voir le résultat, et les manifestations continuent car toutes les terres n’ont pas été restituées.

Co-direction israélienne

D’humbles villageois, portant le foulard à damiers noirs et blancs palestinien, et des citadins élégamment vêtus ont partagé les mêmes réactions viscérales aux scènes du film qui font souvent l’objet de chroniques mais qui n’apparaissent que rarement dans des films long-métrages. La vision d’une attaque sur des oliviers réduits à des torches de braises ardentes, après que des colons juifs les aient enflammés, a provoqué d’audibles hoquets d’indignation parmi les spectateurs. « Oh mon Dieu ! » dit un homme. Mais lorsque la caméra de Burnat capture les chants militants lancés par les protagonistes avec l’accent du village, ou les pierres lancées contre des jeeps militaires en déroute, des applaudissements frénétiques crépitent dans la salle.

Le film a été codirigé par un activiste israélien et réalisateur, Guy Davidi. Cette association étroite a conduit certaines personnes à classifier « 5 broken cameras » comme un film israélien, et il a été refusé dans un festival du film au Maroc pour cette raison. Néanmoins, Burnat indique qu’il a été projeté en Iran et dans d’autres pays du Moyen-Orient, et réfute l’idée que cette production commune soit le reflet d’une quelconque « normalisation » des relations entre Israël et les Palestiniens. « [Davidi] est un activiste solidaire des Palestiniens qui est venu ici au village pour témoigner de son soutien. On lui a montré notre matériel et il a été d’accord pour nous aider. Cela ne constitue pas une collaboration israélo-palestinienne, » dit Burnat.

Parmi les faits présentés dans le film, figurent de nombreux exemples de coopération entre des activistes israéliens solidaires et les locaux. Un photographe israélien donne à Burnat une caméra qui devient l’une des cinq qui seront progressivement détruites par des tirs israéliens ou abîmées durant les manifestations protestataires, année après année ; ce qui a donné son titre au film. On y voit aussi des activistes israéliens participer à l’organisation de manifestations à Hébron. « Avoir travaillé avec un Israélien ne diminue pas la valeur de ce travail, cela l’enrichit, » commente Amira Daood, étudiante, et elle ajoute : « Ils ne sont pas tous contre nous. Certains sont opposés à ce que fait Israël, et on le voit dans ce film. »

– Lien vers dossier de presse “The Gatekeepers”
http://download.pro.arte.tv/uploads/Gatekeepers.pdf

– Lien vers “Five broken cameras” (1h34) sous-titrages en anglais
http://vimeo.com/57986892

– Lien vers « Cinq caméras brisées », bande-annonce, sous-titrages en français
https://www.youtube.com/watch?v=oZUMDJnyME0

– Lien vers « Cinq caméras brisées », extrait de 38′ avec voix off en français
https://www.youtube.com/watch?v=MdVPAmUOt_s

Source : Reuters

Traduction : CR pour ISM

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