Le médecin Tarek Loubani victime d’une balle dans une jambe, près de la frontière de Gaza

Paula Duhatschek – 15 mai 2018

Le médecin canadien, qui était l’un des 19 professionnels de la santé qui ont été touchés lundi, pense avoir été pris pour cible.

Une équipe de volontaires médicaux se tenant par les bras. À partir de la gauche : Mohammed Migdad, qui a plus tard été blessé à la cheville droite ; Hassan Abusaada ; Tarek Loubani, touché à la jambe gauche et au genou droit ; Moumim Silmi ; Youssef Almamlouk ; Musa Abuhassanin, tué d’une balle dans la poitrine ; et un bénévole inconnu. (Photo : Tarek Loubani)

Un médecin de l’Ontario qui travaille au Centre des sciences médico-sociales de Londres a été touché d’une balle dans une jambe alors qu’il délivrait des médicaments d’urgence à des manifestants sur la bande de Gaza.

Le Dr Tarek Loubani a déclaré que cela était arrivé pendant une « accalmie » lors de la manifestation de lundi, et alors qu’il se trouvait avec un groupe d’auxiliaires médicaux à environ 25 mètres de la zone de manifestation.

« Il n’y avait aucun tir, il n’y avait pas de fumée. Nous avions une vue dégagée vers les trois postes fortifiés où les tireurs étaient embusqués » dit Loubani.

« Tout à coup, j’ai entendu une détonation, et je me suis retrouvé à terre. J’ai regardé ma jambe, et j’ai vu du sang ».

19 professionnels de la santé touchés par des balles

Loubani explique que son collègue, un auxiliaire médical nommé Musa Abuhassanin, s’est approché et a commencé à soigner sa jambe blessée.

Environ une heure plus tard, Abuhassanin a reçu une balle qui l’a tué, alors qu’il tentait de porter secours à une autre personne, affirme Loubani.

Musa Abuhassanin à l’œuvre sur un patient blessé, peu avant de mourir.
(Tarek Loubani/Medium)

Loubani déclare qu’au total, ce sont 19 professionnels de la santé qui ont été touchés par des balles ce lundi.

Cette journée a été l’une des plus meurtrières à Gaza depuis 2014. Les forces israéliennes ont tué 59 Palestiniens et en ont blessé 2700. Selon le ministère de la Santé de Gaza, 130 de ces blessés sont en état sérieux ou critique.

« La première règle du secours médical est de ne pas être pris à partie dans la situation, vous n’êtes bon à rien pour personne si vous êtes vous-même abattu », dit Loubani, ajoutant que son équipe a pris des mesures extraordinaires pour être identifiée, par les tireurs embusqués, comme professionnels de la santé.

Loubani portait une tenue entièrement verte ; les auxiliaires de santé portent des gilets de haute visibilité.

Le Dr Tarek Loubani affirme qu’il portait des vêtements montrant clairement qu’il était membre du personnel médical quand il a été touché mardi.
(Photo : Tarek Loubani)

« Je sais ce que sont des coups de feu ; je sais aussi comment rester en sécurité » dit Loubani. « Parfois, je peux faire une erreur, mais hier, ce n’était pas un de ces jours-là ».

« Hier, j’ai fait tout ce qu’il fallait, et il est très difficile de croire que je n’ai pas été ciblé spécifiquement, étant donné qu’il y avait un calme dans l’activité, et étant donné aussi que j’étais identifié clairement ».

Thomas Woodley, président des Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient, a déclaré que tirer sur les personnel médical est interdit par la Convention de Genève.

« Il est certain que le Dr Loubani et ses collègues portaient des tenues d’urgence médicale visibles, et ils auraient dû être épargnés de toute forme de violence par les Israéliens », dit Woodley.

CBC News a contacté la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, pour recueillir ses commentaires. Dans une déclaration par courriel, son porte-parole, Adam Austen, a fait savoir que la ministre était préoccupée par la fusillade.

« Le secrétaire parlementaire Omar Alghabra, ainsi que des agents consulaires ont été en contact avec sa famille en début de journée » dit Austen.

« Le Canada est profondément attristé et déplore la violence qui s’est produite dans la bande de Gaza. Il est révoltant et inexcusable que des civils, des membres de la presse, des premiers intervenants, et des enfants aient été parmi les victimes ».

Loubani dit qu’il espère pouvoir rester dans la zone, mais que sa blessure à la jambe signifie qu’il ne sera pas en mesure d’œuvrer en première ligne. Il envisage de poursuivre son action dans le service des urgences si son état de santé le lui permet.

Le travail de Loubani au Moyen-Orient

Une sélection de garrots imprimés en 3D que l’équipe de Loubani utilise pour stopper les saignements des blessures par balles. (Glia/Medium)

Loubani travaille avec le Centre des sciences médico-sociales de Londres et la Faculté de médecine et dentisterie Shulich, et il est connu pour son travail dans l’impression en 3D des équipements médicaux. Il est venu dans la région, en partie, pour travailler sur un nouveau garrot imprimé en 3D qui arrête les saignements graves sur les blessures par balle.

Loubani indique que les garrots sont extrêmement demandés car le blocus frontalier rend difficile le transport des fournitures médicales à l’intérieur comme à l’extérieur de la région.

Quand Loubani a été touché, son collègue Auhassani lui a demandé s’il voulait lui-même un garrot.

Loubani lui a répondu qu’il refusait.

Un auxiliaire médical avec un gilet de haute visibilité transporte un patient son épaule. Le patient porte un garrot. (Photo : Tarek Loubani)

« Je savais que si j’avais été au Canada, j’aurai été garroté, mais ici, il y en avait si peu, et je savais qu’il y aurait beaucoup plus de blessés et de morts. Alors j’ai dit non. Il m’a bandé entièrement et je me suis levé » dit Loubani.

« J’ai toujours su qu’un jour (le garrot) serait utilisé sur moi, c’est donc une formidable incitation à bien faire le choses. Nous voulons qu’il soit aussi bon que les produits sur le marché ».

Pour Loubani, son but principal est de rester le même : pour faire en sorte que les patients dans la bande de Gaza – ou n’importe où ailleurs – puissent avoir accès à la même qualité de soins que ceux du Centre des sciences médicales de Londres.

Il indique que cela peut être difficile à réaliser.

« Si vous deviez prendre les Sciences médicales de Londres et que vous leur apportiez 2400 blessés, qu’en feraient-ils ? Et après cela, combien de médecins resteraient debout ? » dit Loubani.

« Il est normal quand vous voyez autant de morts et de destruction que vous mourriez vous-même un peu, et que vous soyez un peu détruit… Nous sommes déçus de ne pas donner à nos patients les soins qu’ils méritent ».

Source :  CBC News
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

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