L’UE doit s’opposer au déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem

Yara Hawari – 8 juillet 2018

Quand les USA ont déplacé leur ambassade de Tel Aviv à Jérusalem en mai, un dangereux précédent a été créé ; non seulement ils encouragent Israël à continue son annexion et sa colonisation de la terre palestinienne, mais plus encore ils invitent des États tiers à se joindre à ce mouvement en dérogeant à leurs responsabilités en droit international. Dix jours après ce déplacement, le Guatemala et le Paraguay ont suivi et ont ouvert des ambassades à Jérusalem. Le Honduras a aussi annoncé des plans de relocalisation. La normalisation du déplacement américain est déjà en route, divers États dont le Royaume Uni annonçant qu’ils vont participer à des réunions dans la nouvelle ambassade.

L’UE a pris une position claire : avant le déplacement, le chef de la délégation de l’UE à l’ONU a déclaré que l’UE continuerait à respecter le consensus international sur Jérusalem, ce qui comporte l’impossibilité d’installation de missions diplomatiques à Jérusalem jusqu’à ce que le statut de la ville soit définitivement arrêté. Des États de l’UE, de leur côté, ont repris cet argument, la France déclarant que ce déplacement contrevenait au droit international. La République Tchèque, la Hongrie et la Roumanie ont cependant bloqué une déclaration de l’UE condamnant le déménagement américain, elles qui ont toutes assisté à la cérémonie d’ouverture de l’ambassade.

Pourquoi l’UE est importante

Ces dernières manœuvres politiques à Jérusalem sont préoccupantes, mais elles suivent une trajectoire qui se détériore pour les Palestiniens de la ville. La communauté internationale a certes été longtemps impuissante en ce qui concerne la sécurisation des droits juridiques et historiques à Jérusalem Ouest et à Jérusalem Est. Ce sont le droit de retour des réfugiés, la restitution des biens, et les pleins droits politiques. Cet échec à aller au-delà de la rhétorique et des condamnations verbales pour le respect du droit international a permis à Israël d’accentuer son contrôle sur le peuple palestinien et sur sa terre. La récente normalisation de la souveraineté israélienne sur tout Jérusalem par les États Unis et d’autres est particulièrement dangereuse en ce qu’elle envoie une fois de plus un message à Israël selon lequel il n’encourt aucune conséquence en annexant de la terre palestinienne et, plus généralement, en violant le droit international.

Dans ce contexte particulier et dans le cadre du virage politique à droite dans le monde, l’Union Européenne (UE) demeure un des rares espaces à défendre les droits humains des Palestiniens dans l’arène internationale. Cela tient d’une part à l’inscription fondatrice de l’UE dans le droit international et aussi au puissant soutien populaire européen aux droits et à la souveraineté palestiniens.  Mais, et c’est peut-être plus important, cela tient à la capacité de l’UE à demander des comptes à Israël via les divers accords économiques, culturels et scientifiques qu’elle a avec cet État.

Il est sûr que l’UE est face à des défis à ce sujet. Certains États membres de l’UE comme la Pologne et la Hongrie ont des gouvernements autoritaires étroitement liés à Israël, tandis que d’autres, dont la France, l’Allemagne et le Royaume Uni ont évité, pour maintenir de bonne relations diplomatiques, de faire pression sur Israël afin qu’il mette fin à ses violations des droits des Palestiniens. Ce manque de volonté d’agir a été au détriment des droits des Palestiniens et il met en cause l’intégrité du droit international. À cet égard, les recommandations politiques qui suivent sont un point de départ  pour que l’UE maintienne ses engagements envers le peuple palestinien – et envers le cadre juridique international qu’elle cherche à faire respecter.

Étapes immédiates pour l’action de l’UE

  1. À la lumière de la déclaration conjointe, l’UE devrait encourager ses 28 États membres à publier des déclarations indépendantes condamnant le déplacement de l’ambassade américaine et mettant en avant l’effet néfaste que cela aura sur la souveraineté et les droits fondamentaux des Palestiniens.
  2. La Haute Représentante de l’Union pour les Affaires Étrangères et la Sécurité devrait répéter que les États membres de l’UE devraient assumer leurs responsabilités d’États tiers en n’aidant ni n’encourageant les crimes de guerre israéliens ou les violations américaines du droit international. Cela implique d’insister sur le fait que les États membres ne devraient pas participer à des rencontres ou fonctions diplomatiques dans les lieux de la nouvelle ambassade US.
  3. L’UE et ses États membres doivent acter la non-reconnaissance internationale de la souveraineté israélienne sur Jérusalem. Cela implique de condamner des événements européens tenus à Jérusalem tel le Giro, la course cycliste italienne, et l’Eurovision de l’an prochain. De tels événements sont une part importante des tentatives d’Israël pour normaliser sa souveraineté sur la ville.
  4. Les États membres de l’UE doivent collectivement et de façon indépendante affirmer les droits juridiques et historiques des Palestiniens sur Jérusalem Est et sur Jérusalem Ouest. Ils doivent aussi soutenir la résilience palestinienne et les tentatives pour recouvrer la souveraineté sans les dépolitiser. Un pas important en ce sens consisterait à faciliter le retour des institutions de l’OLP à Jérusalem et à soutenir les organisations de base.

 

Yara Hawari est la chargée de mission politique sur la Palestine d’Al-Shabaka : le réseau sur la politique palestinienne. Elle un doctorat (PhD) en politique moyen orientale de l’Université d’Exeter. Sa recherche a été centrée sur des projets d’histoire orale et les politiques de mémoire, plus généralement dans le cade des études indigènes. Elle a enseigné en premier cycle à l’Université d’Exeter et continue à travailler comme journaliste indépendante, pour plusieurs media, dont Al Jazeera en anglais, Middle East Eye et The Independent.

Source : Al Shabaka
Traduction : SF pour l’Agence Media Palestine

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