Lettre de l’AURDIP à la Ministre de la Justice concernant le projet de résolution qui demande aux Etats membres de l’UE d’adopter la « définition IHRA » de l’antisémitisme

Sous la pression du lobby européen inconditionnel de l’Etat d’Israël, un projet de résolution « pour la lutte contre l’antisémitisme et la protection des communautés juives en Europe » sera soumis à la décision finale du Conseil européen « Justice et affaires intérieures » ce jeudi 6 décembre 2018. Ce projet de résolution demande aux Etats membres d’adopter la « définition IHRA » de l’antisémitisme.

L’AURDIP a interpelé Madame Nicole Belloubet, Ministre de la Justice, qui représentera la France au Conseil qui doit se réunir ce jeudi 6 décembre.

Le 3 Décembre 2018

Madame Nicole Belloubet, Ministre de la Justice

Madame la Ministre.

Malgré de très nombreuses interventions, le COREPER II, un organisme qui prépare, au niveau des ambassadeurs, les décisions du Conseil européen, a adopté vendredi dernier à Vienne un projet de résolution qui, dans son article 2, appelle les États membres à adhérer à la définition « IHRA » de l’antisémitisme.

L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine ne peut que vous rappeler la position de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme suivant laquelle, d’une part, « La première est qu’il n’est pas dans la tradition juridique française d’opérer pareille distinction entre les racismes, le droit français retenant actuellement une définition globale du racisme » et d’autre part « S’il faut se montrer ferme et vigilant face aux dérives antisémites de certaines critiques à l’encontre d’Israël, il faut éviter toute instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme, et ne pas amalgamer à du racisme la critique légitime d’un État et de sa politique, droit fondamental en démocratie, mis en œuvre en Israël même par les opposants au gouvernement actuel » (pages 15-16).

Ce texte va donc à l’encontre de la tradition judiciaire et intellectuelle française, et ne répond pas aux réalités de l’antisémitisme contemporain, comme le montre le rapport de la CNCDH. Son adoption ne ferait que renforcer la perception actuelle d’un gouvernement autoritaire, très éloigné de l’opinion publique et sourd à ses préoccupations. Or son adoption définitive est prévue pour le Conseil européen de la Justice et des affaires intérieures, qui se tient jeudi prochain. Nous vous demandons instamment que la France fasse valoir ses objections et obtienne son rejet.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre considération

(signé) Le président
Joseph Oesterlé
Professeur émérite, Université Pierre et Marie Curie

(signé) Le Trésorier
Ivar Ekeland
Président Honoraire de l’Université Paris-Dauphine

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