Pas d’excuse pour les tirs à balles réelles d’Israël contre des manifestants

28 février 2019

La Commission d’enquête indépendante des Nations Unies sur les manifestations de Gaza de 2018

GENEVE (28 février 2019) : La commission d’enquête indépendante des Nations Unies sur les manifestations dans le Territoire palestinien occupé a présenté aujourd’hui ses conclusions. Le rapport se concentre sur les manifestations dans la Bande de Gaza, connues sous le nom de « Grande Marche du retour et Rupture du siège »

« La Commission a des motifs raisonnables de croire que pendant la Grande Marche du retour, les soldats israéliens ont commis des violations des droits humains internationaux et de la loi humanitaire. Certaines de ces violations pourraient constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, et Israël doit immédiatement ouvrir une enquête sur elles », a déclaré le président de la commission, Santiago Canton, d’Argentine.

La Commission a été mandatée par le Conseil des droits humains en mai 2018 pour enquêter sur toutes les allégations de violations et d’abus du droit humanitaire international et de la loi internationale sur les droits humains dans le Territoire palestinien occupé, dans le contexte des manifestations à large échelle qui ont commencé à Gaza le 30 mars 2018. La Commission comprend Santiago Canton, d’Argentine (président), Sara Hossain, du Bangladesh et Betty Murungi, du Kénya.

Plus de 6000 manifestants non-armés ont été blessés par des tireurs d’élite de l’armée, semaine après semaine, aux lieux de manifestations à proximité de la barrière de séparation.

La Commission a enquêté sur chaque meurtre aux lieux de manifestation désignés, à proximité de la barrière de séparation avec Gaza, pendant les jours officiels de manifestations. L’enquête couvrait la période allant du début des manifestations jusqu’au 31 décembre 2018. Au cours de cette période, 189 Palestiniens ont été tués pendant les manifestations. La Commission a découvert que les Forces de sécurité israéliennes ont tué 183 de ces manifestants à balles réelles. Trente-cinq de ces morts étaient des enfants, trois portaient des indications claires les identifiant comme personnel médical et deux comme journalistes.

Selon l’analyse de données de la Commission, les Forces de sécurité israéliennes, pendant la période en question, ont blessé 6106 Palestiniens à balles réelles sur les lieux des manifestations. De plus, 3098 Palestiniens ont été blessés par des balles métalliques couvertes de caoutchouc, ou par fragmentation de projectiles, ou été frappés par des bidons de gaz lacrymogène. Quatre soldats israéliens ont été blessés lors des manifestations. Un soldat israélien a été tué un jour de manifestation, mais hors des lieux de manifestations.

« Il n’y a aucune excuse dans le fait de tuer ou de blesser des journalistes, du personnel médical ou des personnes ne posant aucune menace imminente de mort ou de blessure sérieuse à ceux autour d’elles. Il est particulièrement alarmant que des enfants et des personnes handicapées figurent parmi les personnes ciblées», a déclaré Sara Hossain. « Les vies de nombreuses personnes jeunes ont été altérées à jamais. Depuis le 30 mars de l’an dernier, 122 personnes ont subi une amputation d’un membre. Vingt de ces amputés sont des enfants. »

La Commission a des motifs raisonnables de croire que les tireurs israéliens ont visé des journalistes, des travailleurs de santé, des enfants et des personnes handicapées, tout en sachant qu’ils étaient clairement identifiables comme tels.

Sauf lorsque c’est entrepris légalement en tant qu’auto-défense, tirer intentionellement sur un civil qui ne participe pas directement aux hostilités est un crime de guerre. La Commission a trouvé des motifs raisonnables de croire que des membres individuels des Forces de sécurité israéliennes, pendant leur réponse aux manifestations, ont tué et blessé des civils qui, soit ne participaient pas directement aux hostilités, soit ne posaient aucune menace imminente. Ces graves violations des droits humains et du droit international pourraient constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité.

La Commission a pris note de l’affirmation israélienne selon laquelle les manifestations à la barrière de séparation masquaient des « activités terroristes » de groupes armés palestiniens. Les résultats de l’enquête de la Commission, cependant, sont que les manifestations étaient civiles par nature, avec des objectifs politiques clairement affirmés. En dépit de quelques actions d’une violence significative, la Commission a trouvé que les manifestations ne constituaient pas un combat ou une campagne militaire.

La cadre légal applicable était donc basé sur la loi internationale des droits humains. Cette décision n’a pas changé, même si l’enquête de la commission a révélé que certains manifestants étaient membres de groupes organisés armés. D’autres étaient membres de partis politiques. La loi internationale des droits humains interdit l’usage de la force lorsqu’elle est fondée seulement sur l’affiliation réelle ou alléguée d’une personne à un groupe, quel qu’il soit, et non sur sa conduite.

La Commission a découvert que certains membres du Comité national supérieur organisant les manifestations, qui inclut des représentants du Hamas, a encouragé ou protégé l’utilisation aveugle, par les manifestants, de cerfs-volants ou de ballons incendiaires, apeurant des civils et provoquant des dommages significatifs à la propriété dans le sud d’Israël. La Commission a conclut que le Hamas, comme autorité de facto à Gaza, a échoué à empêcher ces actions.

La Commission a mené 325 interviews avec des victimes, des témoins et des sources, et a rassemblé plus de 8000 documents. Une partie intégrante de l’enquête a été l’analyse exhaustive es réseaux sociaux, et de grandes quantités de matériel audio-visuel montrant des incidents, dont des enregistrements par des drones.

La Commission a été mandatée par le Conseil des droits humains des Nations Unies pour se concentrer sur les responsabilités et identifier les responsables des violations et crimes internationaux allégués.

« La Commission placera l’information pertinente dans un dossier confidentiel à remettre au Haut Commissaire des droits humains, afin de donner l’accès de cette information aux mécanismes de justice nationaux et internationaux. La Cour pénale internationale est déjà concernée, a dit Betty Murungi. 

Comme l’anniversaire de la Grande Marche du retour du 30 mars approche, les commissaires incitent toutes les personnes impliquées à la modération.

Le meurtre et la mutilation à large échelle du 30 mars de l’an dernier, où 18 personnes ont été tuées et plus de 700 blessés, et du 14 mai, où 60 personnes ont été tuées et plus de 1100 blessées, ne doivent pas se répéter. « Les tirs doivent cesser », a déclaré Sara Hossain.

« Israël a maintenant la responsabilité d’enquêter sur chaque meurtre et sur chaque blessure relatifs aux manifestations, rapidement, impartialement et indépendamment, en accord avec les standards internationaux, afin de déterminer si des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ont été commis, dans la perspective de faire rendre des comptes à ceux trouvés responsables », a dit Santiago Canton. « Nous incitons aussi les organisateurs, les manifestants et les autorités de facto à Gaza, à s’assurer que la Grande Marche du retour soit entièrement pacifique, comme c’est son intention ».

« La Commission conclut que ces manifestations étaient un appel à l’aide de la part d’une population désespérée », a rappelé Santiago Canton. « Non seulement Israël, mais aussi les autorités de facto, dirigées par Hamas et par l’Autorité palestinienne, ont des responsabilités envers elle. La Commission appelle Israël à lever le blocus de Gaza et aux trois responsables d’assumer leurs responsabilités et d’améliorer la situation de la vie quotidienne à Gaza. »

Les autorités israéliennes n’ont pas répondu aux requêtes répétées de la Commission pour obtenir des informations et l’accès à Israël et au Territoire palestinien occupé.

Un rapport plus complet, contenant des informations factuelles et contextuelles détaillées, sera publié et présenté au Conseil des droits humains le 18 mars 2019 à Genève.

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Pour accéder au rapport résumé de la Commission et pour plus d’information, consultez la page web du rapport.

Contacts médias:
Johan Eriksson: +41 76 691 10 82, mediacoioptprotests@ohchr.org
Rolando Gómez: +41 22 917 97 11, rgomez@ohchr.org
Cédric Sapey: +41 22 917 9845, csapey@ohchr.org

Les médias peuvent demander des interviews au numéro +41 22 917 81 82.

Des images non montées à destination des diffuseurs peuvent être téléchargées ici:
Video 1 (Compilation d’incidents à la barrière de séparation de Gaza pendant les manifestations)
Video 2 (Ahmad Abu Artema: les raisons; La Voix de l’autre côté de la barrière) [liste des plans et synopsis]
Video 3 (Enfants blessés) [liste des plans et synopsis]
D’autres vidéos sont aussi disponibles : www.youtube.com/c/UNHumanRightsCouncil

Une conférence de presse sera diffusée en direct à http://webtv.un.org/  et retransmise en direct

Du matériel de radiodiffusion supplémentaire sera disponible à https://www.unmultimedia.org/tv/unifeed/

Traduction : CG pour l’Agence Média Palestine et l’AURDIP
Source : United Nations Human Rights Council

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