Roger Waters: Si vous croyez dans les droits humains, Madonna, ne chantez pas à Tel Aviv

Roger Waters – The Guardian – 17 avril 2019

Tant que le gouvernement israélien n’aura pas reconnu le droit des Palestiniens à l’autodétermination, les artistes doivent rester à l’écart.

« J’exhorte tous les jeunes candidats – en fait, tous les jeunes gens, en fait tout le monde, les jeunes comme les moins jeunes, ce qui inclut Madonna – à lire la Déclaration des droits de l’homme des Nations-Unies. » (Photo : Jeff Fusco/Getty Images)

L’acceptation par Madonna d’une invitation à se produire à Tel Aviv à la finale du Concours Eurovision de la chanson en mai soulève, une fois encore, des questions éthiques et politiques de fond importantes sur lesquelles chacune et chacun d’entre nous doivent réfléchir.

En 1948 à Paris, les Nations-Unies alors naissantes ont fait l’avant-projet, par la suite adopté, d’une Déclaration universelle des droits de l’homme, qui est consacrée par le droit international et selon laquelle tous nos frères et sœurs du monde entier, sans distinction de leur origine ethnique ou nationalité ou religion, ont des droits humains fondamentaux, incluant mais sans s’y limiter, le droit à la vie, à la liberté et à l’autodétermination.

La question que nous devons donc tous nous poser est la suivante : suis-je d’accord avec la Déclaration des Nations-Unies ?

Si à cette question, vous répondez oui, alors une deuxième question se pose : suis-je prêt à défendre mon soutien aux droits humains et à agir en conséquence ? Vais-je aider mes frères et mes sœurs dans leur lutte pour les droits humains, ou vais-je franchir la ligne et marcher de l’autre côté ?

Dans le contexte de la conversation en cours sur le lieu de la phase finale de l’Eurovision et la participation de Madonna et des autres artistes, les frères et sœurs dont il est question c’est le peuple de la Palestine, qui vit sous un régime d’occupation, d’apartheid, profondément répressif et qui ne jouit pas du droit à la vie, à la liberté et à l’autodétermination.

Revenons à 2004, où la société civile palestinienne a appelé à l’aide le reste du monde et, entre autres, fixé une ligne de protestation culturelle, demandant aux artistes de s’abstenir de se produire en Israël tant que le gouvernement israélien n’aura pas reconnu le droit des Palestiniens à l’autodétermination. Depuis, j’ai répondu à leur appel et j’ai fait ce que je pouvais pour persuader les autres de faire de même.

Certains de mes collègues musiciens qui se sont récemment produits en Israël disent avoir agi ainsi pour construire des ponts et faire avancer la cause de la paix. Des conneries tout ça. Se produire en Israël c’est un concert lucratif mais qui permet de normaliser l’occupation, l’apartheid, le nettoyage ethnique, l’incarcération des enfants, le massacre de manifestants non armés… tout ce qui est néfaste.

D’ailleurs, parce que je soutiens les droits humains et que je critique le gouvernement israélien pour ses violations, je suis régulièrement accusé d’être un antisémite. Cette accusation peut servir d’écran de fumée afin de détourner l’attention et discréditer ceux qui mettent en lumière les crimes contre l’humanité commis par Israël. Je tiens à souligner que je soutiens le combat pour les droits humains de tous les peuples opprimés, partout dans le monde. La religion de l’oppresseur n’est pas en cause. Si je soutiens les Rohingyas et déplore leur persécution par le Myanmar, cela ne fait pas de moi un antiboudhiste.

Je suis convaincu que l’avenir de la race humaine dépendra largement de notre capacité à développer notre aptitude à nous identifier à l’autre, et non celle à les opprimer et à les contrôler. Nous ne pouvons pas nous permettre de régresser vers la période sombre, quand la puissance signifiait le droit. Nous valons mieux que cela, n’est-ce pas ?

Je suis bien conscient qu’ainsi je demande à tous ceux qui sont impliqués dans ce que je vois comme une trahison de l’Eurovision de notre humanité commune de se concentrer sur leur aptitude à s’identifier à leurs frères et sœurs palestiniens.

Pour essayer de se mettre eux-mêmes à cette place. Pour essayer d’imaginer que, pendant 70 ans, génération après génération, vous vous éveillez chaque matin devant le pillage systématique, insidieux, de la vie de votre peuple. Et eux, qui ont gardé la tête haute et ont résisté avec beaucoup de courage, de détermination et de persévérance, ils nous ont sollicités, nous les « cœurs sensibles et les artistes », pour que nous les aidions. Nous avons tous, à mon avis, l’obligation morale et humaine absolue, en tant qu’êtres humains, de répondre à leur appel.  

Ma maman, essayant maternellement de me guider dans ma jeunesse, me disait toujours : « Roger, dans n’importe quelle situation donnée, il y a presque toujours une chose juste à faire ; il suffit de bien y réfléchir, quelle qu’elle puisse être, de considérer tous les points de vue, puis de décider pour toi-même ce qui est juste de faire, et de le faire ».

J’exhorte tous les jeunes candidats – en fait, tous les jeunes gens, en fait tout le monde, les jeunes comme les moins jeunes, ce qui inclut Madonna – à lire la Déclaration des droits de l’homme des Nations-Unies. Elle a été traduite en 500 langues pour que chacun puisse s’instruire lui-même de ses 30 articles. Si nous tous, nous les respectons, alors nous pouvons encore sauver notre merveilleuse planète de sa destruction imminente.

Roger Waters est membre fondateur du groupe de rock Pink Floyd.

Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine

Source: The Guardian

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