La Palestine est une question de justice climatique

Le combat pour une justice climatique pour tous est directement connecté à la lutte des Palestiniens.

Par Abeer Burmeh, 29 novembre 2019

Des Palestiniens marchent sur la plage, le long d’une mare d’eaux usées, au nord de la Bande de Gaza le 13 juillet 2018. Photo prise le 13 juillet 2018 [Mohammed Salem/Reuters]

Ce vendredi 29 novembre, Deux événements mondiaux majeurs de grande importance pour moi vont coïncider – la quatrième Grève Mondiale pour le Climat et la Journée Internationale annuelle des Nations Unies de Solidarité avec le Peuple Palestinien. Cette convergence représente aussi symboliquement une réalité importante – que le combat pour la justice climatique pour tous est directement connecté à la lutte des Palestiniens. La Palestine est une question de justice climatique.

Dans mon travail de coordination des organisations palestiniennes sur l’environnement, je constate quotidiennement que, pour les Palestiniens, le changement climatique n’est pas qu’un phénomène naturel, mais un phénomène politique. Le régime israélien d’occupation et d’apartheid, qui nous dénie le droit de gérer notre terre et nos ressources, exacerbe la crise climatique qu’affrontent les Palestiniens, nous rendant plus vulnérables aux événements en rapport avec le climat.

L’exemple le plus extrême est la Bande de Gaza, où deux millions de Palestiniens vivent dans une prison à ciel ouvert sous occupation et siège israéliens. L’ONU a prévu que Gaza serait invivable d’ici 2020. Beaucoup disent qu’elle l’est déjà.

La grave pénurie d’eau potable à Gaza a empiré, non seulement à cause du changement climatique, mais aussi à cause des restrictions israéliennes sur l’entrée de matériaux et de fuel pour le traitement des eaux usées. Résultat, les eaux usées ont infiltré l’aquifère de Gaza et s’écoulent sans être traitées dans les eaux côtières de Gaza, endommageant la vie marine et la santé. 97 % de l’eau si rare de Gaza sont maintenant impropres à la consommation humaine et l’eau contaminée cause 26 % de toutes les maladies à Gaza et est une cause essentielle des morts d’enfants.

Dans l’un des innombrables tragiques exemples, un garçon de cinq ans, Mohammed al-Sayis, qui était allé à la plage de Gaza avec sa famille pour fuir la chaleur, est mort en 2017 après avoir nagé dans l’eau de mer contaminée par les égouts.

Israël a également endommagé la terre et l’agriculture de Gaza. L’armée d’Israël empêche les Palestiniens d’utiliser les 20 % de la terre arable de Gaza qui jouxte la barrière militarisée israélienne, et disperse de dangereux herbicides sur les terres des fermiers de Gaza. Une étude conduite par notre organisation, le Réseau Palestinien des ONG pour l’environnement – FoE Palestine, a découvert que la guerre d’Israël sur Gaza en 2014, durant laquelle Israël a lâché 21.000 tonnes d’explosifs sur la bande, a pu causer d’énormes dommages au sol qui ont réduit la productivité agricole.

En Cisjordanie occupée, Israël vole et détruit systématiquement la terre et l’eau des Palestiniens. Israël contrôle plus de 60 % de la terre de Cisjordanie, où vivent maintenant 640.000 Israéliens dans des colonies illégales. Les colons israéliens consomment six fois plus d’eau que les 2.9 millions de Palestiniens qui résident en Cisjordanie. Israël a par ailleurs déraciné 800.000 oliviers depuis 1967.

Le mode de vie des communautés agricoles palestiniennes a été transformé par la combinaison de la saisie de la terre et de l’eau, et des modifications climatiques. Les fermiers palestiniens affrontent certains de leurs problèmes les plus graves dans la Vallée du Jourdain, zone agricole qui représente 30 % de la Cisjordanie.

Le village d’al-Auja dans la Vallée du Jourdain en est un parfait exemple. Une partie de la terre d’al-Auja a été saisie pour y construire quatre colonies israéliennes. Ajoutant l’affront au dommage, la principale source d’al-Auja, qui alimentait les fermes avec un flot d’eau continu, ne fournit maintenant que quelques semaines à quelques mois d’eau par an. Cette réduction est survenue après que Mekorot, compagnie nationale israélienne des eaux, ait creusé des puits en amont dans le même aquifère. L’assèchement de la source d’al-Auja a énormément réduit la production agricole.

Et tandis que des villages comme al-Auja luttent pour s’adapter à la raréfaction de l’eau, les colonies israéliennes illégales d’à côté jouissent d’un copieux accès à l’eau pour boire, irriguer les récoltes et les pelouses, et pour les piscines. Nous appelons cette grave discrimination l’apartheid de l’eau, composante essentielle du plus général régime d’apartheid climatique qu’Israël impose aux Palestiniens.

Israël cultive mondialement une image « verte », mais la réalité est dramatiquement différente. Israël repose sur des pratiques agricoles et d’utilisation de l’eau non durables qui dépendent de l’exploitation de la terre et de l’eau des Palestiniens. En plus, 97,7 % de la production électrique israélienne est issue de combustibles fossiles, et Israël cherche à exporter vers l’Europe du gaz naturel et de l’électricité générée par des combustibles fossiles.

Pour cette Journée Internationale de Solidarité avec le Peuple Palestinien, nos organisations environnementales palestiniennes appellent à une pression mondiale sur Israël pour mettre fin à l’apartheid climatique par des boycotts du gouvernement, des institutions et des sociétés israéliennes qui sont complices de la destruction de l’environnement, la violation de nos droits et le profit tiré de nos ressources.

Cette pression comporte le boycott des projets internationaux de Mekorot, qui soutient l’apartheid de l’eau en privant les Palestiniens d’accès à l’eau et en la fournissant aux colonies israéliennes illégales ; le boycott de toutes les dattes mejdoul israéliennes, qui sont cultivées dans la Vallée du Jourdain en utilisant la terre et l’eau volée aux Palestiniens ; et l’opposition à l’exportation par Israël vers l’Europe de gaz naturel et d’électricité.

Alors que les gens se rallient mondialement ce vendredi pour mettre fin à l’utilisation des combustibles fossiles et obtenir une justice climatique pour tous, les organisateurs devraient intégrer ces boycotts dans leurs stratégies et leurs exigences pour soutenir la liberté, la justice et l’égalité des Palestiniens.

A propos de l’auteure :

Abeer Butmeh est coordinatrice depuis 2008 du Réseau des ONG environnementales palestiniennes – Les Amis de la Terre Palestine.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : Al Jazeera

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