Un photographe palestinien se découvre une deuxième vocation de sculpteur sur fil de fer

L’artiste palestinien Haitham Khatib utilise du fil métallique usagé pour fabriquer dans le jardin de sa maison du village de Bilin, en Cisjordanie, des objets d’art qui illustrent des scènes de la vie quotidienne palestinienne.

(Majdi Mohammed/Associated Press)

Associated Press, 5 novembre 2019

BILIN, Cisjordanie

Ayant exercé pendant 14 ans le métier de photographe en Cisjordanie sous occupation israélienne, un Palestinien s’est trouvé une deuxième vocation, la sculpture, et raconte des histoires en recyclant du fil de fer de façon artistique. Il explique que l’effet d’une photo d’actualité peut être fugitif, alors qu’une œuvre d’art persiste dans la durée.

Dans le jardin de sa petite maison du village de Bilin, Haitham Khatib, 43 ans, tord et entrelace des fils métalliques pour en faire des images de la vie palestinienne —tragiques et joyeuses à la fois.

En utilisant du métal, dit-il, il donne une dimension de permanence et de durabilité à des scènes de la vie quotidienne des Palestiniens “parce qu’il faut que nous la fassions connaître au monde et aux générations [futures]”.

Ses œuvres sont de tailles diverses ; elles évoquent parfois des scènes bucoliques de cueillette des olives ou d’agriculteurs qui cultivent leur terre. Mais elles représentent aussi des affrontements avec  des soldats israéliens ou les manifestations en cours le long de la frontière entre la bande de Gaza et Israël.

Pendant plus d’une décennie, le village a lui-même été au cœur de protestations contre le mur de séparation d’Israël. Le mur impose une coupure entre de nombreux villages et leurs champs et pâturages, ce qui a été le cas à Bilin.

Au début de 2005, les habitants de Bilin ont commencé à organiser des manifestations hebdomadaires contre le mur qui se sont poursuivies pendant plusieurs années.

“J’avais un appareil photo, j’ai commencé à recueillir des éléments sur ce qui se passait dans mon village et à les transmettre aux médias”, raconte-t-il.

Parfois des heurts survenaient, et deux manifestants ont été tués par des tirs israéliens. Des militants venus de tous les coins du monde et des supporters israéliens ont participé aux manifestations, ce qui a aidé les habitants de Bilin à créer une dynamique et leur a valu l’attention des médias du monde entier.

Mais comme les manifestations se sont calmées depuis deux ans, Khatib dit qu’il a eu plus de temps libre.

“Je me suis mis à réfléchir à une autre façon de montrer l’actualité”, dit-il.

[Légende] À Bilin, village de Cisjordanie, des sculptures de l’artiste palestinien Haitham Khatib qui évoquent la vie quotidienne des Palestiniens. Ces sculptures représentent, à partir de la gauche, un manifestant, une personne déplacée ayant fui sa maison en 1948, des manifestants, un prisonnier dans une prison israélienne, et un homme blessé au cours du conflit.

(Majdi Mohammed/Associated Press)

Dans son enfance, raconte Khatib, il a appris à utiliser le fil métallique pour fabriquer des jouets qu’il n’avait pas les moyens de s’offrir. “Aujourd’hui j’en fais un usage différent.”

Il remonte parfois le cours de l’histoire, recréant des scènes de la guerre qui a entouré la création d’Israël, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont fui ou ont été chassés de leur maison, ou bien le premier ou le deuxième soulèvement contre l’occupation israélienne.

Parmi ses dizaines d’œuvres figure un portrait de feu le dirigeant palestinien Yasser Arafat, coiffé de son célèbre keffieh, le foulard palestinien emblématique. Il a aussi sculpté des réfugiés fuyant leur maison et des heurts entre lanceurs de pierres palestiniens et soldats israéliens.

[Légende] L’artiste palestinien Haitham Khatib tient sa sculpture qui représente feu le dirigeant palestinien Yasser Arafat coiffé de son célèbre keffieh.

(Majdi Mohammed/Associated Press)

Khatib présente son travail sur les médias sociaux et prépare sa première exposition, qui aura lieu prochainement. Il espère aussi créer des œuvres plus grandes qui pourront être installées sur des places publiques.

“J’ai été photojournaliste pendant longtemps et je pense aujourd’hui que l’art peut être une façon plus efficace de faire des reportages”, dit-il.

Traduction: SM pour l’Agence Média Palestine

Source: LAtimes.com

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